Tout, partout, tout le temps. Rien que pour moi. Gratuitement, ou presque. Cette promesse, de nombreuses entreprises numériques l’ont réalisée en moins de deux décennies. Elles ont fait vœu de rendre notre monde compliqué le plus simple possible. Apprendre, communiquer, créer ou vendre n’a jamais été aussi accessible à tous. Mais alors quel est le rôle des entreprises dans l’innovation vertueuse ?
L’omniprésence du numérique dans le quotidien professionnel
Difficile de contester ce progrès : le monde d’aujourd’hui est plus ouvert que jamais.
Mais cette démarche a aussi augmenté les attentes des utilisateurs. On ne tolère plus ni erreur, ni difficulté, ni même le moindre effort pour obtenir ce que l’on attend. La patience se mesure en secondes et la ténacité en nombre de clics. La concentration devient une denrée rare.
Dans le même temps, nous comprenons de moins en moins les rouages à l’œuvre derrière les écrans qui nous entourent. Raccourcis, design d’influence, manipulation, captation de données, la simplicité a un prix.
Quand nous déléguons la réalisation de tâches complexes, nous confions en réalité une partie de nos décisions et notre libre-arbitre à des machines. Et quand nous pensons avoir affaire à des machines, ce sont parfois des humains qui nous scrutent ou nous servent.
Nos routines deviennent balisées comme des centres commerciaux. L’observation de nos faits et gestes améliorent les machines qui nous assistent. Mais nos aptitudes se réduisent. Nos sens s’amenuisent. Qui saurait encore se servir d’une carte routière ou réparer sa voiture ? La simplicité est un enfer pavé de bonnes intentions.
On peut s’interroger sur l’évolution de ces usages : cette “délégation de nous-même” va-t-elle continuer à être acceptable ?
Faire preuve de techno-discernement pour repenser les usages
En tant qu’acteur de l’innovation vertueuse, nous devons aider les utilisateurs de services innovants à en comprendre les mécaniques. Comment aller dans cette direction ? Peut-être devons-nous déjà envisager en tant que créateur et créatrices de services innovants une révolution culturelle.
À cet égard, le mouvement des low-tech peut être une inspiration. Ce mouvement part du principe que toute technologie n’est pas forcément bonne à développer. Souvent taxé de technophobie, il se réclame davantage du techno-discernement. Il porte une vision culturelle du monde, dans laquelle l’Homme doit se remettre en conformité avec les limites planétaires. Cela implique de la sobriété en ressources énergétiques et matérielles, de la durabilité, et de l’accessibilité.
La sobriété, si elle reste complexe à mettre en œuvre, commence à être bien identifiée comme levier d’action. La durabilité des biens ou des services est également un axe d’innovation majeur : proposer des solutions qui prennent le contrepied de l’obsolescence programmée sera nécessairement source de création.
Améliorer l’accessibilité aux technologies et transformer les savoir-faire
C’est sûrement l’accessibilité qui recèle un potentiel d’innovation encore important. On a vu une prise de conscience dans les dernières années sur la nécessité de développer des services inclusifs. Il est temps d’être encore plus ambitieux : rendons la technologie accessible également. La communauté low-tech cherche à remettre l’Homme en lien avec ses savoir-faire techniques et à le reconnecter à son sens pratique. De fait, elle lutte contre cette apparente simplicité, qui cache comme nous l’avons vu une complexité suspecte. Elle souhaite au contraire créer des systèmes à dimension humaine, que l’on peut comprendre, améliorer, gérer et réparer.
Insuffler cette philosophie dans nos innovations est audacieux : il s’agit de mettre notre ingéniosité au service d’un réel changement d’usage. Pour cela, il nous faudra prioriser la transparence, le partage des savoirs, et la simplicité de conception. Cela implique également de proposer un autre regard sur la promesse faite aux usagers des services : valorisons la curiosité des usagers et rendons leur effort désirable et profitable. Autant de nouvelles manières de faire qui feront des utilisateurs des contributeurs éclairés.
Découvrez comment le numérique trouve sa place au sein de l’innovation vertueuse.