Le Poool, avec Rennes Métropole et Saint-Malo Agglomération, permet aux entreprises qui ont un impact positif sur la société de tester leur innovation en conditions réelles. Le LAB Rennes Saint-Malo aide les entrepreneurs à organiser l’étape de « l’expérimentation », ce moment clé, avant la commercialisation, où la solution est confrontée pour la première fois à son public. Une aide au financement du projet d’expérimentation est possible jusqu’à 50 000€ en Avance Remboursable.
Aubépine est un cabinet d’expertise de l’arbre situé à Rennes, ou pour le dire plus simplement « le docteur des arbres ». Son objectif est de prendre soin de leur développement et de leur faire une place dans l’espace urbain. Retour sur l’expérimentation d’Aubépine avec Sabine El Moualy, géographe et gérante d’Aubépine et Bertrand Martin, Directeur des Jardins et de la Biodiversité Rennes – Ville et Métropole.
Durée de l’expérimentation : 16 mois Terrains de l’expérimentation : Rennes Métropole avec la Direction des Systèmes d’information et le Service Information Géographique ; les agents des espaces verts de la Ville de Rennes et de cinq communes de la Métropole dont Betton, Thorigné Fouillard, St Jacques de la Lande, St Grégoire et Chavagne. Zoom sur BOOM, la solution d’Aubépine : Les arbres sont des objets vivants en constante évolution. Ils participent au paysage et au bien-être dans la ville, mais représentent aussi des enjeux de sécurité, de santé et génèrent de l’entretien. Gérer la ville avec des arbres demande une organisation spécifique. Pour faciliter la gestion d’un paysage arboré sur la durée, Aubépine a développé une application collective, BOOM, qui s’adresse surtout aux agglomérations et auxvilles ou communes qui les composent. L’application permet d’inventorier les arbres sur une carte en ligne, de renseigner leurs caractéristiques et celles de leur environnement. Elle permet également de faire des préconisations de gestion pour planifier les interventions et mieux comprendre l’état global du patrimoine arboré à l’échelle d’un quartier, d’une commune. La force de BOOM ? Les données sur les arbres sont mises à jour facilement et les liens entre les agents de terrain et les gestionnaires sont consolidés. Désormais, les plans de gestion ne dorment plus dans des classeurs ou des tiroirs. Ils vivent… et sont partagés ! |
Quels étaient les enjeux de cette expérimentation pour Aubépine ?
Sabine El Moualy, Aubépine : Jusqu’ici, avec le prototype du logiciel BOOM, nous nous adressions à un public très ciblé, avec assez peu d’utilisateurs. Avec l’expérimentation, nous voulions le tester à des échelles de territoires plus grandes pour préparer le déploiement de BOOM au niveau national.
Les objectifs principaux de l’expérimentation étaient donc les suivants :
– Tester avec plus d’agents de terrain et de structures et vérifier le niveau d’accessibilité et de prise en main de l’outil par les agents des services
– Valider les choix des attributs et l’ergonomie de l’outil y compris en situation de mobilité (sur sites)
– Valider la capacité de l’outil à assurer la traçabilité des opérations de maintenance du patrimoine arboré
– Mieux comprendre les exigences qui peuvent être formulées par les directions informatiques de l’intercommunalité et évaluer la capacité de l’outil à s’intégrer au Système d’information de la collectivité, voir comment se déroule l’intégration
– Vérifier la valeur ajoutée de la solution, notamment dans une perspective de libre accès avec certaines fonctionnalités payantes
Pourquoi avoir mis en place cette expérimentation avec Rennes Métropole ?
Sabine El Moualy, Aubépine : La solution avait déjà été testée à petite échelle mais nous souhaitions la confronter à un plus grand nombre d’utilisateurs. Aubépine ayant ses locaux à Rennes, et travaillant déjà avec quelques communes, Rennes Métropole était l’expérimentateur idéal pour nous permettre de présenter notre solution à davantage de collectivités. D’autant plus que Rennes Métropole avait déjà développé un système de gestion sur le sujet de l’arbre, donc il était intéressant de voir comment notre solution pouvait s’implanter sur les outils existants.
Par ailleurs, nous visons un positionnement par abonnement annuel destiné à l’ensemble des villes/communes d’une intercommunalité donc il était important d’avoir leurs retours. C’est l’ensemble du territoire qui est ciblé.
La ville de Rennes est le premier partenaire testeur.
Bertrand Martin, Rennes Ville et métropole : La valeur ajoutée d’une solution comme BOOM vient en résonance avec des réflexions que nous avions en cours sur le sujet de l’arbre. La ville s’engage sur des sujets innovants et écologiques et une solution comme BOOM répond à des enjeux territoriaux importants via ses fonctionnalités mutualisées d’inventaire et de plan de gestion des arbres. Cette opportunité proposée par le POOOL de tester cette solution nous a donc paru être une opportunité intéressante et permis d’avoir une approche intercommunale du sujet.
Quelles ont été les différentes étapes de l’expérimentation ?
Sabine El Moualy, Aubépine : Nous avons d’abord contacté une quarantaine de communes pour savoir lesquelles pouvaient être intéressées par l’expérimentation. Sept se sont engagées à tester BOOM. Un premier audit technique à Rennes a déclenché l’accord de la Direction des Systèmes d’information (DSI) pour échanger des données avec BOOM. Pour cela, le Service Information Géographique (SIG) de Rennes et les développeurs de BOOM ont mis en place une API. Une API, c’est une interface logicielle qui permet de « connecter » le logiciel de la collectivité à BOOM afin d’échanger des données et des fonctionnalités.
Ensuite, Aubépine s’est déplacé chez les testeurs pour lancer l’utilisation du logiciel. Cette formation visait à prendre en main le matériel BOOM, mais aussi la méthodologie de relevé associée. Les sept collectivités partenaires ont bénéficié d’un total cinq journées de formation et d’une mise à disposition de 16 tablettes informatiques, avec la connexion réseau appropriée.
Bertrand Martin, Rennes Ville et métropole : Nos agents ont participé à des ateliers découvertes et des sessions d’échanges organisés par Aubépine sur la gestion du patrimoine arboré. Ils ont pu prendre en main l’outil. L’idée était de faire un état des lieux des outils de gestion existants, de communiquer sur certaines innovations techniques et plus largement sur les enjeux de l’arbre en ville. Des points réguliers étaient faits entre les agents utilisateurs et BOOM.
Que vous a révélé l’expérimentation sur la solution et les utilisateurs ?
Sabine El Moualy, Aubépine : Déjà, grâce à elle, nous avons la confirmation que le logiciel permet sans plus aucun doute de faciliter la gestion du patrimoine arboré à l’échelle d’une agglomération. Nous gardons toutefois en tête qu’il faut mettre en place des moyens humains non négligeables pour la réalisation de l’inventaire.
Si on entre dans les détails, l’ergonomie du logiciel a été très appréciée. Sa sobriété et les couleurs ont eu de très bon retours et nous notons que nous devons encore développer la possibilité d’ajouter des fonds de plans/carto plus variés pour faciliter le repérage spatial.
Bertrand Martin, Rennes Ville et métropole : Cette expérimentation a permis de remettre en avant le besoin d’actualisation de l’information sur le patrimoine arboré. Elle a permis d’explorer différents modes d’organisation et la possibilité d’optimiser la gestion des arbres. Nous travaillons actuellement au sein de nos collectivités en vue d’établir un cahier des charges pour lancer une consultation pour le choix d’un logiciel de gestion du patrimoine arboré. Aubépine sera bien évidemment invité à y répondre.
Sabine El Moualy, Aubépine : L’expérimentation a en effet validé notre technique pour gérer et enregistrer plus de données avec des utilisations simultanées. On a pu enrichir le travail sur la flexibilité des informations à enregistrer et améliorer la navigation sur le logiciel. Les développeurs ont pu ajuster deux problématiques : la fluidité et la rapidité d’affichage des données sur la carte et la sécurisation des informations relevées, notamment dans le cas de microcoupures internet.
Par ailleurs, en étant confrontés à la réalité du terrain, nous avons compris que l’achat d’équipements, leur installation et l’accès à internet peut s’avérer une contrainte que nous n’avions pas imaginée au départ. Il a donc fallu prendre en charge une partie « hardware » (installation et gestion d’un parc de tablettes, souscription d’abonnements 5G pour les testeurs).
Nous avons également eu confirmation qu’il peut exister une forme de réticence à utiliser des logiciels externes à la collectivité. Pour des raisons de durabilité des outils mais aussi parce que cela nécessite un travail d’adaptation de la collectivité. En effet, lors de l’expérimentation, en développant une API avec Rennes, nous avons compris les contraintes de cette action :
- Le client peut ne souhaiter récupérer que certaines données et en laisser une partie sur le serveur de BOOM pour les utilisateurs.
- Un temps de développement et de conception est nécessaire de la part du service qui en a la charge.
Quel est l’impact de l’expérimentation sur le développement de BOOM aujourd’hui, quelques mois après l’expérimentation ?
Sabine El Moualy : L’expérimentation a permis de nous faire connaître, de créer des liens avec les collectivités, d’amorcer les discussions. Au lendemain de l’expérimentation, des collectivité locales à proximité de Rennes ont souhaité mettre en place un abonnement simplifié, sans attendre l’édition d’un appel d’offre intercommunal. Et puisque l’expérimentation nous a permis de comprendre qu’il était indispensable de proposer un abonnement qui ne soit pas contraignant pour les services des collectivités et à un budget très abordable, nous leur avons proposé un forfait à 500€ HT/an – qui pourra évoluer vers des abonnements plus complets en termes d’accompagnement et de fonctionnalités.
Concernant l’actuelle structure, on peut considérer que le logiciel BOOM, lors de l’expérimentation, a généré 3 emplois, et il participe à la croissance de l’entreprise, bien que les ventes du prototype restent ponctuelles en attendant un lancement plus officiel.
Trois mois après l’expérimentation, le logiciel BOOM est également l’outil support pour 3 projets de recherche en cours, dont un projet européen en cours de démarrage. Nous pouvons ainsi évaluer le retour sur investissement lors de l’expérimentation à environ 15% de notre chiffre d’affaires, soit autour de 80K euros.
La validation du prototype nous confirme aussi la pertinence d’investir sur un passage à l’échelle national voire international. En effet, la perspective internationale est notre plus grand étonnement. L’ergonomie et l’esprit collaboratif du projet nous a permis de renouer avec des réseaux internationaux comme le Forest Research de Londres ou encore la société Rinntech en Allemagne. Nous envisageons même de traduire le logiciel en anglais et de proposer une expérimentation à des partenaires qui nous semblent pertinents (Puy du Fou international, Club Med et le Forest Research). A titre d’exemple, l’utilisation du logiciel dans le cadre d’un projet de R&D est estimé à 20K€ par an par projet, pour le secteur privé, nous devons expérimenter ce segment pour bien l’étudier.
Autre avancée, nous avons décidé de créer une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) pour commercialiser la solution BOOM, indépendamment de la SCOP d’Aubépine, ce qui permettra aux utilisateurs d’être, ensemble, propriétaires de la solution.
Enfin, nous allons ouvrir un Pôle de l’Arbre Urbain en 2025 pour réunir et valoriser les connaissances (et les données !) qui permettront d’assurer la survie de la canopée urbaine. C’est une première en France ! A ce titre, 3 levées de fonds adaptés aux coopératives sont envisagées.
L’accompagnement du Poool et du Lab Rennes Saint-Malo a-t-elle correspondu à vos attentes ?
Sabine El Moualy : L’accompagnement du POOOL a été primordial, notamment pour lever les réticences des collectivités à investir du temps sur ce genre de projet, puis pour le soutien tout au long de l’expérimentation et l’ouverture à leur réseau. D’autant que notre métier d’origine est situé dans le domaine de l’écologie, du paysage et pas tout à fait dans le numérique. L’expérimentation nous a donc aussi permis de faire nos preuves, grâce à la confiance accordée par le comité de sélection.
Le logiciel BOOM croise plusieurs enjeux politiques : l’environnement, l’économie, les ressources humaines et l’innovation. Il est donc important pour nous, en tant que porteur, de bénéficier de regards extérieurs qui puissent comprendre l’ensemble du jeu d’acteurs qui gravitent autour de la gestion du patrimoine arboré. Et c’est exactement ce que fait habilement l’équipe du Poool dans son accompagnement.
Le Lab Rennes Saint-Malo a ainsi contribué à la transformation du prototype en véritable produit avec son modèle économique et commercial particulier. Suite à l’expérimentation le passage à l’échelle se fait plus sereinement et nous restons des fidèles du POOOL en espérant pouvoir rendre la pareil à ceux qui nous ont aidés.